Le cabinet PAC a réalisé une étude sur le marché de la cybersécurité en interrogeant plus de 1500 entreprises en Europe au cours du second semestre 2013. Mathieu Poujol, consultant cybersécurité, en délivre les principaux résultats.
L’Usine Digitale - Quel a été l'impact des révélations de l'affaire Prism d'espionnage de masse par la NSA, auprès des entreprises ?
Mathieu Poujol - Il y a clairement un avant et après Edward Snowden dans le monde de la sécurité informatique. Les révélations du scandale Prism ont été un événement majeur dans la prise de conscience des entreprises quant à leur vulnérabilité informatique. Les dirigeants ont compris qu'il n'y aura pas d'économie digitale sans confiance digitale.
Quel type d'entreprises sont les plus ciblées?
Aucun secteur n'est à l'abri. Les banques reconnaissent qu'elles subissent plusieurs dizaines d'attaques sérieuses quotidiennement. Mais aujourd'hui, les industriels sont également des cibles potentielles comme l'a montré l'attaque sur les centrifugeuses iraniennes par le virus Stuxnet en 2010. Les états ont réalisé que les attaques cybernétiques pouvaient entraîner des dégâts bien réels au delà du vol de données numériques. D'où en France, la future réglementation visant à élever le niveau de protection des entreprises opérant dans des secteurs dits d'importance vitale. Mais on ne doit pas s'arrêter aux quelques 200 OVI recensés en France (Ndlr : opérateurs d'importance vitale).
Toutes les industries sont concernées. Dans l'automobile par exemple, certaines voitures peuvent déjà se garer toutes seules grâce à l'informatique embarquée, qui est aussi capable de prendre le contrôle de l'accélération, du freinage et de la direction. Cela signifie que l'on pourrait voir une voiture piratée, lancée à 100 km/heure, devenir une arme ! Il faudra prévoir tous les scénarios. D'autant plus qu'avec l'imagination des pirates, la réalité a rattrapé la fiction. Récemment, j'ai vu une démonstration où à partir d'un téléphone portable, il était possible d'arrêter un pacemaker.
Les entreprises sont-elles toutes égales face aux cyberattaques?
La vulnérabilité aux attaques informatiques va renforcer la dichotomie entre les grandes entreprises et les PME. J'ai connaissance du cas d'un petit laboratoire en Alsace qui s'est fait pirater ses travaux sur une nouvelle molécule, il a failli ne pas s'en remettre. A contrario, l'actualité montre que les grandes entreprises, comme Sony par exemple après la perte de données sensibles qui lui ont coûté plusieurs centaines de millions d'euros, peuvent se rétablir plus facilement.
Les PME françaises sont d'autant plus fragilisées qu'elles ont moins conscience des risques informatiques. Par ailleurs, elles ont rarement les compétences suffisantes en interne. A titre d'exemple, les procédures de gestion des correctifs de sécurité informatique ne sont pas suivies rigoureusement.
Quel type d'attaque craignent les entreprises?
Selon une de nos précédentes enquêtes, près des deux tiers des entreprises interrogées disent craindre avant tout le vol de leurs données sensibles. Elles ne veulent surtout pas que les plans de leur prochain produit puissent tomber entre les mains de leurs concurrents. Un bon nombre des scandales révélés par l'affaire Prism sont relatifs à l'espionnage économique. Pour autant, elles affichent un sentiment de confiance assez fort dans leur dispositif de sécurité informatique. Par pêché de confiance ou bravade, difficile de le dire. Plus de 80% des entreprises qui ont répondu se sont déclarées satisfaites de leur budget de sécurité informatique. Pourtant, chez plusieurs d'entre elles, faute d'équipe d'astreinte, la sécurité n'était véritablement active qu'entre 9h et 18h et donc fragilisée au moment où les hackers américains ou chinois sont réveillés.
Les entreprises européennes consacrent-elle suffisamment d'argent à leur sécurité informatique?
On a évalué les dépenses externes liées à la sécurité informatique à 3% du budget informatique total. C'est trop peu. A notre sens, le seuil des 5% serait un optimum raisonnable pour avoir une bonne protection.
Dans quelle mesure cela représente une opportunité pour les industriels ?
Le marché des logiciels et des services de sécurité informatique est estimé à 1,3 milliard d'euros en 2013. Le marché est très porteur avec une croissance estimée sur les prochaines années de 8% par an. Les acteurs français sont bien positionnés et comptent des champions mondiaux dans les technologies qui seront à la base de la future confiance numérique comme Gemalto sur les cartes à puce ou Sagemsur la biométrie.
source : http://www.usine-digitale.fr/article/les-entreprises-investissent-trop-peu-pour-leur-securite-informatique-affirme-mathieu-poujol.N242512
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