Pas besoin d’attendre une cyberguerre… Au quotidien, des milliers d’entreprises sont confrontées à des attaques, visibles ou non, sur leur système d’information. Un sujet loin d’être seulement technologique.
« Il y a quinze ans, la sécurité informatique était l’affaire de passionnés, seuls dans leur coin. Puis, le poste de RSSI [responsable de la sécurité des systèmes d’information, ndlr] a commencé à apparaître dans les entreprises et il a dû se battre pour exister. Enfin, nous assistons à une prise de conscience généralisée, après des événements comme Aramco », retrace Edouard Jeanson, directeur technique de la Security Global Line de Sogeti. Aramco ? C’est le diminutif donné à l’impressionnant raid informatique mené durant l’été 2012 contre l’une des plus grandes compagnies pétrolières au monde, la Saudi Arabian Oil Company, dite Saudi Aramco. 30 000 ordinateurs auraient été mis hors-service lors de cette opération criminelle, qualifiée de « l’attaque la plus destructrice que le secteur privé ait jamais vécue » par le secrétaire de la Défense américain d’alors, Leon Panetta. Cet assaut numérique, succédant à l’affaire Stuxnet en Iran, aura donc fait prendre conscience de la vulnérabilité des infrastructures industrielles critiques des pays.
Les opérateurs d’importance vitale (OIV) sont, depuis, au cœur de toutes les attentions. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) a pesé pour que cette préoccupation apparaisse dans la nouvelle loi de programmation militaire 2014-2019 (votée début décembre au Parlement), à travers la mise en place d’un cadre juridique pour la cyberdéfense et la précision des pouvoirs de l’État en matière de prévention et de surveillance. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a, quant à lui, lancé fin octobre le Comité de la filière des industries de sécurité (Cofis), chargé de développer des technologies de pointe dans la protection des grandes infrastructures publiques et privées, les transports ou la lutte antiterroriste.
Des cibles potentielles nombreuses
Pourtant, on aurait tort de penser que seules les entreprises du nucléaire, des transports, ou encore de la gestion de l’eau, sont touchées par des cybermenaces dangereuses. Le numérique est devenu une part fondamentale de toutes les chaînes de valeurs, et l’information, le capital le plus précieux des entreprises. Toutes, de la multinationale à la start-up, sont concernées par ces menaces. Car toutes disposent de données « critiques », nécessaires à la bonne marche de leur activité et de leur existence.
Des fichiers clients aux secrets de fabrication d’un produit, les cibles potentielles sont nombreuses pour le vol ou l’espionnage informatique. Elles sont d’autant plus nombreuses d’ailleurs, que les systèmes d’information (SI) sont plus ouverts aujourd’hui que jamais : la dématérialisation généralisée, la mobilité, leBring your own device (Byod), la multiplication des accès par des prestataires ou des clients, en sont les raisons principales.
« Les agresseurs ne se sont jamais aussi bien portés. Il y a une explosion de la cybercriminalité au niveaumondial. Particuliers ou entreprises, personne n’est épargné », souligne ainsi Loïc Guézo, Information Security Evangelist chez Trend Micro, spécialiste japonais des logiciels de sécurité, qui multiplie les collaborations avec Interpol ou le FBI. Si, à la fin des années 1990, rares étaient les personnes qui avaient les connaissances nécessaires à l’exploitation d’une faille zero day 1, ces compétences se sont démocratisées, notamment sur la scène asiatique, d’après les experts de Trend Micro. Le ticket d’entrée pour devenir pirate est devenu bon marché, alors qu’au contraire les experts en sécurité ne sont pas assez nombreux pour faire face aux besoins (lire encadré « Vers une pénurie de compétences » en bas de page). « Il ne fait pas bon d’être du côté des défenseurs », confirme Loïc Guézo.
La fin de la Muraille de ChineDes simples opérations de social engineering2 aux APT3 insidieuses, les cyberattaques sont devenues « nombreuses et variées ». Les conséquences, elles, peuvent rapidement devenir désastreuses. Comment chiffrer les dégâts subis par une entreprise qui se rend compte que l’intégralité de son plan de communication et marketing annuel se retrouve chez un concurrent suite à une intrusion ? « J’ai cet exemple d’une société qui préparait le lancement stratégique d’un nouveau GPS novateur. Trois semaines avant la sortie, unproduit rigoureusement identique apparaît en Asie, pour un prix inférieur. A ce niveau-là, c’est la clé sous la porte, directement »,illustre Laurent Heslault, directeur des technologies de sécurité de Symantec pour l’Europe de l’Ouest. Vol de données par intrusion, malveillance d’un collaborateur ou simple maladresse ? L’histoire ne le dira pas, mais les dégâts sont bien là.
Pour répondre à la large variété de menaces existantes, l’offre de solutions apparaît, en contrepartie, pléthorique et très fragmentée. Une entreprise peut s’équiper, entre autres, d’antivirus, de pare-feu, de systèmes d’authentification, de coffres-forts numériques, d’outils de cryptage de bases de données ou de communication, de logiciels d’enquête et d’analyse, de sécurité mobile… L’ère de la Muraille de Chine unique et monolithique est révolue. « Aujourd’hui, il ne sert plus à rien d’avoir une vision moyenâgeuse, avec un château fort et un pont-levis pour protéger son SI. Il faut prendre en compte le contexte et la réaction en temps réel », affirme Bernard Ourghanlian, directeur technique et sécurité chez Microsoft France. Les nombreuses offres de sécurité peuvent cependant pousser les entreprises à prendre en compte uniquement les caractéristiques technologiques des produits, sans s’assurer que les outils correspondent avant tout à leurs besoins. « La priorité doit être d’identifier les joyaux de la couronne, ce qui ne doit être compromis sous aucun prétexte, et de les protéger à tout prix », explique Bernard Ourghanlian.
source : http://www.alliancy.fr/dossier/dossier-securite-ou-sont-vos-donnees-critiques%E2%80%89/securite-ou-sont-vos-donnees-critiques
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