La cyber-menace est en voie de prendre des dimensions systémiques pour l'économie mondiale. L'inquiétude des acteurs monte, au point que l'on peut craindre une réaction globale contre la numérisation, avec un énorme impact économique. Pourtant, les avancées en matière de cloud computing et de Big data pourraient, selon McKinsey, créer entre 9600 et 21600 milliards de dollars de valeur pour l'économie mondiale. Si la sophistication des attaques submerge les capacités défensives des États et des organisations, on peut redouter des règlementations et des politiques qui ralentiraient l'innovation et la croissance.
ParisTech Review – La cyber-menace est-elle différente pour les Etats et pour les entreprises ?
Hervé Guillou – Pas vraiment. Dans le cybermonde, les frontières entre administration et industrie ne se déterminent ni par les chaînes actionnariales ni par les organigrammes. Elles sont poreuses, par le truchement des services. Les individus reçoivent des services de santé, l’armée a besoin d’une logistique, les entreprises contribuables paient l’impôt sur les sociétés au ministère des Finances.
Pour appréhender ce sujet, il faut bien définir le cyber-espace. C’est un pavé à neuf cases, c’est-à-dire trois couches traversant trois mondes.
Il y a tout d’abord la couche physique (les câbles, les fibres optiques, les réseaux sous marins, les liaisons radios, les liaisons satellites, l’interconnexion, les switchs, bref toute la couche de support de l’information.
Ensuite, la couche informatique, les ordinateurs, les robots, les serveurs, les protocoles, les logiciels directs comme Windows, les logiciels de pilotage des robots, ou l’informatique embarquée sur une voiture.
Il y a enfin la couche informationnelle et fonctionnelle, la plus visible et la plus souvent associée à la cyber-sécurité : il s’agit des données, des applications, de l’information transmise, traitée ou stockée, du traitement dans le cloud, de l’information en ligne, des paiements sécurisés.
Ces trois couches « horizontales » traversent trois mondes verticaux qui ont, historiquement, toujours été cloisonnés parce que les technologies avaient leurs racines dans des mondes normatifs et industriels différents. Ces trois mondes sont l’informatique générale (IBM, Atos, Bull), l’informatique industrielle (Catia, Siemens, Schneider) avec ses automates, sa robotique, ses outils de CAO 3D et de GPAO (gestion de la production assistée par ordinateur), les commandes de machines numériques, et enfin l’informatique embarquée (Honeywell, Thales) spécialisé dans l’ordinateur en temps réel pour la commande de pilotage d’un avion par exemple, tout ce qu’on appelait autrefois les calculateurs embarqués.
Comment circule la menace ?
Internet Protocol (IP) est en train de faire à la fois une pénétration verticale puisqu’on est en train de rendre virtuels les réseaux de télécom et les routeurs. Dans le même temps, IP est en train de connecter l’informatique générale avec le contrôle commande des usines (par l’intermédiaire, par exemple, d’un logiciel SAP qui surveille la production).
On a également connecté l’informatique embarquée avec l’informatique industrielle. La « valise » qui permet de réparer l’informatique embarquée dans une voiture envoie les informations au centre technique du constructeur, télécharge un patch logiciel pour réparer et commande des pièces de rechange. Autre exemple : un Airbus possède sept adresses IP qui se branchent au sol sur des services de e-catering, qui téléchargent leur plan de vol puis transmettent leurs données de vol. Vous voyez que toutes ces couches et tous ces mondes sont désormais étroitement liés.
source : http://www.paristechreview.com/2014/04/25/defi-cybersecurite/
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